Grouper encrier et instrument à tracer en un seul objet, était une idée très ancienne que de nombreux prototypes et brevets avaient tenté de mettre en œuvre. Mais les résultats ne correspondaient pas aux espérances d’autonomie recherchée. Il fallut le génie ou plutôt le bon sens d’un L.E Waterman pour, d’après la légende savamment entretenue, concevoir un conduit de cheminement de l’encre, fondé sur la capillarité et l’équilibrage de la pression atmosphérique afin de dompter l’écoulement de l’encre sur la plume. Le porte-plume réservoir, puis le stylographe venaient détrôner la simple plume métallique enserrée dans son manche. Les modèles furent innombrables, les matières varièrent pour adjoindre la couleur, l’irisation ; les formes suivirent les mouvements artistiques des époques successives : Art nouveau, Art déco, psychédélique, plus près de nous l’Art moderne…; les techniques les plus sophistiquées s’appliquèrent dans la fabrication et le montage de ces instruments. Pourtant, le crayon continua sa route tranquille et le stylographe faillit vaciller lorsque la pointe bille, suivie du feutre et du roller firent leur apparition. Mais il sut résister en jouant l’extrême qualité, voire le luxe. Ce dernier aspect lui permettra peut-être de faire encore bonne figure face aux instruments d’expression de masse.
Les périodes de sortie des conflits mondiaux du XXe siècle transformèrent le monde industriel en le dotant de la capacité de fabriquer en grande quantité. La productivité fut le maître mot qui conduisit à une consommation effrénée, sorte de fuite en avant qui sut multiplier les besoins, y compris dans le domaine de l’écriture en baissant le niveau de qualité et en banalisant les formes. La fabrication des plumes (1) se mécanisa à destination de porte-plumes à l’aspect plus anodin (2) et de boîtes de plumes aux étiquettes moins imagées(3). Le crayon devint à section hexagonale pour éviter de rouler, avant de subir une évolution qui lui fit perdre son âme graphite au profit du plastique qui se substitua à toutes les matières utilisées pour sa fabrication, le bois compris (4). Le porte-crayon(5) céda la place au porte-mine (6) et au critérium. Mais l’invention principale porta sur le stylographe qui acquit enfin une autonomie fiable (7). Le stylobille (8) et le stylo-feutre (9) tentèrent de le détrôner sans toutefois y parvenir totalement. Les cahiers étaient assemblés par de simples agrafes (10) et le crayon d’ardoise (11) était aussi factice que l’ardoise en carton (16). L’encrier scolaire, plutôt en verre (12) s’effaçait devant les petits flacons d’encre servant d’encriers et de reposoirs pour porte-plumes. (13). Le plumier (14) disparaissait au profit des trousses d’écolier. La publicité s’immisçait dans les buvards (15) comme dans un bon nombre d’autres produits scolaires. Le mouilleur, qu’il soit pour les timbres (17 ou à des fins épistolaires (18), la pince rassemblant le courrier (19) ou la parure (20) n’étaient déjà plus que des objets insolites.