Dans le domaine de l’origine de l’écriture, il convient de se méfier des idées ancrées depuis des décennies, reposant sur quelques découvertes archéologiques, nécessairement partielles : la Mésopotamie n’est pas forcement le seul berceau de l’écriture. D’autres sites, encore enfouis sous la terre, en Inde, au Moyen-Orient, voire en Afrique ou en Europe orientale, sont susceptibles à tout moment, au gré de découvertes fortuites ou savamment organisées, de mettre en péril une telle assertion et d’enrichir même la notion de naissance de l’écriture. Il n’empêche que le cunéiforme fournit, en l’état de nos connaissances une première tentative de codification des signes capables d’apporter une compréhension mutuelle entre le scribe et le lecteur. Il jette les bases d’un système d’écriture et ouvre la voie à la mise en place d’alphabets. Son nom provient des découvreurs qui ont vu dans ces signes des sortes de coins ou clous dont la trace sur l’argile s’expliquait par la pénétration puis le glissement d’un style à l’embout formé pour la circonstance. Le roseau abondant dans la région fournissait l’instrument, l’argile, tout aussi présent dans ces lieux, le support idéal d’abord assez mou pour écrire, ensuite capable de durcir à la chaleur pour être conservé.
Au IIIe millénaire av J.C, les prémices de l’écriture sont consécutifs aux besoins d’échanges commerciaux entre les grandes « villes états » de Mésopotamie.
Les bulles enveloppes (2), boules d’argile creuses contenant des « calculi » (3) petits éléments d’argile sensés représenter en nombre et en qualité la marchandise transportée, constituaient de véritables bons de livraison sur lesquels l’apposition d’un sceau identifiait l’expéditeur. Ces bulles accompagnant les marchandises étaient cassées à l’arrivée par le destinataire afin d’en contrôler l’exactitude.
A cette première méthode succéda une simple tablette d’argile où la marchandise était décrite par des pictogrammes(4), la quantité par des signes ronds et l’expéditeur par un dessin spécifique.
Ces signes se sont progressivement normalisés sous la forme de triangles en forme de clous pour créer une écriture (5) qui évolua au cours des siècles jusqu’en 700 av. J.C. Cette écriture utilisa essentiellement des matériaux locaux disponibles en abondance au bord des deux grands fleuves l’Euphrate et le Tigre : argile pour les bulles enveloppes et les calculi, voire pour les premiers sceaux (7) . Le roseau était lui employé pour la réalisation des calames aux embouts triangulaires ou ronds.* Les sceaux pouvaient être réalisés en pierre dure et permettaient l’élaboration de fines iconographies(8)